Flat Cab : championnat du monde de prise de tête.



Quel rapport entre un petit panneau expliquant que celui qui jette sa vieille grand-mère ou des chaises de jardins usagée dans ce container qui n’est pas fait pour ça est passible d’une amende d’un gros paquet de roros ; et une tortue ?

A priori, aucun. Sauf à préciser qu’une tortue est une cellule camping car à poser sur un 4X4, et que l'installateur du panneau d’interdiction est un bricoleur fou.


Bon, en gros, le panneau je devais le fixer sur le local poubelle et il était si léger, si rigide et si lisse que l’idée d’utiliser ce matériaux pour faire du mobilier m’est venue immédiatement. Il faut dire que j’avais une cellule Clémenson sur un Patrol et que je cogitais depuis quelque temps à une nouvelle cellule.

Plus basse pour avoir moins de poids perché, parce que l’inclinomètre assise côté passager n’aimait pas du tout voir le grand capot basculer brusquement devant le paysage, et se mettait alors automatiquement en mode divorce...
Et aussi pour ne plus me faire racketter aux péages autoroutiers.

Plus légère aussi. Plus belle, plus tout quoi.

Bref, j’avais envie, et là, ce petit bout de PVC m’a mis le ver dans la pomme.

A partir de là, certains ont déjà dû voir ce film, on devient un tantinet obsédé, c'est-à-dire qu’on vit, mange, dors et effectue la plupart des fonctions vitales en réfléchissant au projet.

Cahier des charges : basse, c'est-à-dire deux mètres maxi une fois sur le véhicule , pas de porte à faux arrière, lit en capucine avec couchage en travers pour continuer à rêver pendant que l’inclinomètre prépare le petit déjeuner, poids réduit mais tout le confort, coin toilette, WC, douche, eau chaude, chauffage, frigo à compression, 100 litres d’eau propre.

Bon, le coup des deux mètres maxi implique une cellule à toit relevable, mais je ne veux pas de toile, je veux le même confort que dans ma Clémenson...
Il faudra donc des panneaux rigides et je vois bien un genre boîte à chaussures : un gros carton, avec un couvercle et quatre côtés qui passent de l’horizontale en position fermée à la verticale en position ouverte, sachant que l’avant et l’arrière vont monter le couvercle. Petite photo ?








Quelques mesures et calculs plus tard le verdict tombe : toit relevable obligatoire, mais il ne reste qu’une trentaine de centimètres de hauteur pour la capucine pliée… Glouc !!! Laisse tomber, c’est mort, impossible.

Je me tourne alors vers les professionnels et finis par en sélectionner deux, situés dans la vallée du Rhône, dont un me paraît correspondre parfaitement à mon projet puisque lorsque je lui explique ce que je veux, il me dit qu’il a eu la même idée et cherche un client pour ce prototype. Yes !!!

Visite des pros. Le premier me fait voir sa production, assez mal finie, et ne veut plus entendre parler de parois rigides. Bon, plié.
Tous mes espoirs se reportent alors sur le second, avec qui on va s’entendre c’est sûr, puisque je serai le client de son prototype.

Travail impeccable dans l’atelier où travaillent le père et le fils, accueil cordial, idées concordantes : du miel…

On négocie sur la hauteur pliée, parce que pour lui mon cahier des charges est impossible à tenir pour cause de rigidité, alors j’accepte d'être un peu plus haut...

Puis on cause de la porte.
Pour avoir navigué depuis des années avec ce genre de bazar, je sais qu’on ne fait que monter et descendre de la cellule dès qu’on est posés.


Pour moi, qui en plus culmine au-delà du mètre quatre vingt cinq, pas question de porte basse. Et pour le fabriquant, pas question de porte haute, trop de problèmes de rigidité. Voilà, ça va pas le faire… retour à la case départ.

Je vais rôder sur le forum de Félix pour prendre un peu la température de ce qui se fait, pose un petit post de mon projet, et les retours sont démoralisants : impossible à faire.
Il faut préciser qu’en plus, je voulais que ça s’ouvre et se ferme en appuyant sur un bouton… doux rêveur…


Mais je suis un peu taquin, et quand on me dit impossible, ça m’excite…
Alors grosse cogitation, jour, nuit, et le reste.

C’est le coup des 30 cm de capucine qui coince. Parce que viennent se loger la dedans, de haut en bas : le toit, le panneau avant avec son vérin, les panneaux latéraux pliés, la couette, le matelas, le sommier à lattes, l’isolation et le plancher…
Et il faut que ça supporte le poids de tout ce bazar et que ça ne se déforme pas sous la poussée du vérin.. gag…

Je pensais trop classique, et soudain, boum, l’idée : quand on veut faire rigide, on fait châssis. Alors je vais faire un châssis, en alu. Deux grosses poutres latérales supportent la capucine et se prolongent jusqu’à l’arrière, noyées dans l’épaisseur des parois. Sur le plan ça parait jouable.




Alors, un matin, visite chez le marchand de matériaux, retour avec du CTBX de 18, des chevilles, de la colle ; et début du chantier. Roule.
C’est vrai qu’au début, ça avance très vite. C’est trompeur… très…


Lorsque j’arrive au panneau arrière, je commence à comprendre qui si tout le monde me parlait de rigidité, c’était justifié. Oui, parce que porte haute signifie qu’elle se prolongera dans le panneau mobile supérieur et que c’est celui-ci qui servira donc de linteau. Alors je soigne particulièrement la rigidité de l’équerrage arrière, utilisant la cloison de la future salle d’eau pour verrouiller le panneau arrière au sol.

Tant que je suis sous la ceinture du châssis, c’est du classique.


Comme je redoute plus que tout les problèmes de pourrissement dus aux infiltrations d’eau, je résine intérieur et extérieur de toute la caisse qui ira dans la benne : ça devient un bon bac bien étanche.

La réalisation du châssis alu pose d'autant moins de problèmes que je trouve un super soudeur qui ne va absolument pas déformer mon montage. ça, c'est fait.


Ensuite, ça va se corser.

Entre autres parce que je fais une petite fixette sur le bouton magique qui va manœuvrer le tout, mon côté têtu…

Je me retrouve donc rapidement avec des problèmes de vérins électriques. J’avais naïvement imaginé que les vérins de portail étaient The Solution. Que nenni !! Après les avoir soigneusement choisis en fonction de leur gabarit, je découvre qu’ils ne vont pas, mais alors pas du tout, travailler comme l’avait pensé leur fabricant.

Si tu as un portail à motoriser, pour peu que tes vantaux pèsent moins d’une tonne et que tu habites dans une zone avec des rafales à moins de 300 km/h, la motorisation se la coule douce tout au long de sa vie.

Avec mon système, elle va vivre l’enfer. Déjà l’attaque : pour qu’il reste un peu de place pour le matelas, la fixation basse du vérin avant doit se trouver le plus haut possible, la limite étant que s’il attaque perpendiculairement à sa fixation haute, il arrache tout. Bobo…

Il a donc fallu fabriquer un simulateur pour tâtonner afin d’arriver à la solution optimale angle d’attaque/hauteur de fixation.
Note à l’attention des pressés : ce genre de pinaillage peut prendre facilement une semaine…
Note à l’attention des physiciens : je sais que ce genre de problème se résout par des calculs, mais je suis plus doué des mains que du bulbe…

Ensuite, le poids. Ton vantail de portail, pour peu que tu penses à mettre un peu de graisse régulièrement là où ça fait du bien, même un chat cacochyme peut te le pousser. Fais basculer l’image de 90° et tu te retrouves avec le vantail au dessus du vérin, et là, la gravité étant ce qu’elle est et le poids de la ferraille étant non négligeable, ton chat, même avec 10 ans de muscu derrière lui, il cale.

Donc mes petits vérins sortent du carton, regardent auteur d’eux, ne voient pas de portail dans les environs, et commencent à se poser des questions. Ensuite ils sont installés sous les panneaux mobiles, se retrouvent branchés à une batterie et sommés de monter les panneaux.
Là, je les prends en traître parce qu’ils n’ont que l’ossature à pousser, et, après un petit soupir de résignation, ils me montent le bazar sans problème, merci les gars et bravo, demain on rejoue.
Après une nuit de repos réparateur, ils me voient débarquer avec des jerricans en plastique, un tuyau d’arrosage et une balance. Ils se consultent du regard et se disent, en langage de vérins bien sûr, on est tombés chez un pervers.

Pendant la nuit, muni d’une calculette et des catalogues qui vont bien, j’ai estimé le poids que mes lascars devront soulever en mode fini-terminé, c'est-à-dire carrosserie, doublage intérieur, toit complet fini.
Bon, pas la peine de faire un dessin, je fixe mes jerricans sur les panneaux après les avoir lestés et j’appuies sur le petit bouton. Beu eu eu eu eu, font les vérins, tandis que la batterie chauffe les câbles pour les faire fondre. Houlà… pas bien…

Décision est alors prise d’adjoindre des vérins à gaz à mes amis pour les assister dans leur tâche. Oui, mais lesquels ?


Internet, calculette, prise de tête et autre rime en ète, ceux qui ont déjà fait ce genre de calcul connaissent… Les autres, touchez pas !! Sachant que là aussi je suis limité pour la position des fixations basses, si vous n’imaginez pas je vous le raconte : c’est un sacré bordel….
Là encore, le facteur temps est à mettre de côté, parce que ce genre de recherche est carrément chronovore.

Evidemment, après la théorie vient la pratique. Hé hé pensent déjà certain… et bien ils ont raison ! Parce que si, je suis très fier, la montée se fait maintenant sans soucis … il n’en est plus de même pour la descente !
Mes amis les vérins tentent un appel gratuit à SOS Vérins Maltraités qui les conforte dans l’idée qu’ils sont tombés sur un cinglé…
Oui, à la descente, les vérins à gaz freinent trop, bloquant mes deux pauvrets.

S’en suit une longue errance faite de déplacement successifs, nombreux et variés des axes des gazeux, jusqu’à ce que les électriques acceptent enfin la greffe et actionnent panneaux et toit dans un soyeux mouvement d’élévation gracieuse. Yes !

Fabrication du toit, fixation des rails pour les roulettes des panneaux.


Et on rejoue.
Pas bien.
Bon, je choisis le gaz, tête dans le four thermostat sur huit, ça pète, je suis débarrassé, et en plus je paye pas la note…

Et oui, le hic, c’est que mes lests étaient dans l’axe des vérins, mais que mon toit repose lui sur les extrémités des panneaux. Et ces panneaux là sont joueurs, ils se cintrent lascivement tandis que les vérins poussent et que le toit ne bouge pas… grand moment de solitude…

Tubes d’alu, réfection des panneaux, remontage.
J’ai choisi : si ça marche pas ce sera le train, c’est plus salissant mais très rapide.

- Oh, viens, viens, viens voir !!! Dépêche-toi, viens voir, viiiiiiiiite : ça marche !!!! Mon inclinomètre n’a pas l’air de trouver ça extraordinaire, elle lâche simplement : je savais que tu y arriverais.
Je décide de prendre ça comme un compliment...

Ceux qui connaissent ce genre de plan le savaient déjà : je suis retourné cinquante fois au garage et j’ai vidé la batterie pour voir comment que ça marchait trop bien…
A partir de là, et seulement là, je me dis que c’est jouable…

Je résume. Ossature bois et alu , carrosserie sandwich alu/polyuréthane/alu, trois millimètres, collée sur l’ossature. Ça commence à ressembler au plan.






Bon, sur quoi va-t-on dormir ? Comme il ne reste pas grand place pour le couchage, il va falloir ruser…

D’abord, pour éviter d’avoir recours à un matelas trop épais et ventiler le dessous : sommier à lattes. Je récupère un sommier abandonné que je cannibalise de ses lattes et de leurs caoutchouteux supports. Ceux-ci rehaussant les lattes de trois centimètres, j’en profite pour glisser en-dessous l’isolation , Stiropor de 20mm : reste un centimètre de vide, si ça ne suffit pas je découperai des aérations dans le plancher de la capucine.
Les caoutchoucs sont fixés directement à la poutre, et je rajoute une poutre centrale, alu bien sûr.




Bon, là j’ai l’impression d’avoir fait le plus gros, mais je me trompe. Beaucoup.

Parce que l’aménagement intérieur, pour peu qu’on veuille soigner un peut l’aspect, c’est encore un truc qui te fait te coucher le soir en te demandant ce que tu as bien pu faire toute la journée : rien n’a bougé.
Ah, si : tu as fait une porte de placard, cool, encore un demi siècle et on boit le champagne…


L’électricité, qui paraît si simple à priori, est finalement un sacré morceau lorsque tu détailles un peu, parce qu’entre les jauges d’eau propres, d’eau sale, les lumières, les prises, le chauffage, le frigo, le tableau de commande, la batterie auxiliaire, le coupleur, la signalisation, la liaison au porteur et mes petits vérins, je me retrouve avec des goulettes tout autour de l’habitacle, pleines à craquer de fils qui se ressemblent tous.
Et si ,la nuit précédente, tu t’es réveillé trempé de sueur suite à un monstrueux cauchemar dans lequel tout ton boulot flambait par la faute d’un salaud de court circuit, tu commences à flipper grave lorsque tu vois tous ces obsédés de fils se frotter les uns contre les autres…


Pour la plomberie, pareil : dans le plan c’est simple, et puis comme tu aimes les mitigeurs, les commandes au pied, les sécurités anti gel et autres limiteurs de pression, tu te retrouves avec cinq cent mètres de tuyau, douze mille colliers et autant de fixations à caser le long des parois à côté des goulettes électriques, des conduites de chauffage et des tubes de gaz qui ne demandent qu’à exploser …

Et puis, comme c’était le truc à ne surtout pas faire, j’ai évidemment branché la pompe à l’envers… glouglouglouglou, et pas une goutte à la sortie, mais par contre plein de jolies fuites sur toutes les entrées de la réserve d’eau qui monte en pression sous l’effet de la pompe qui se la joue compresseur d’air. Si si, je l’ai fait, et le vice c’est que tu poses comme postulat de départ que tu ne peux pas être assez naze pour avoir branché à l’envers.
Alors ça dure, et ça gonfle, le réservoir… et le reste…

Si tu as survécu à ça, il est temps d’attaquer le mobilier. Ouah, trop facile, surtout que j’ai mon matériaux miracle et qu’il n’y aura pas de revêtement à mettre par-dessus, yes, le temps que je vais gagner !!!
Quand, à la fin de la première journée, tu vois que ta réserve d’eau propre est habillée, trois panneaux quoi, et que tu es monté et descendu de la cellule environ six cent fois, tu commences à comprendre l’étendue du travail…

Il faut ici dire que niveau outillage, je suis un peu léger. Disons que je coupe, à la scie sauteuse, à la côte plus deux millimètres, puis que je gagne ces deux derniers millimètres au rabot, et que je ponce le chant au papier grain 40, puis au 80 et enfin au 120. C’est sûr qu’avec une scie à panneaux…

Et puis, il y a la dure réalité des choses, qui fait qu'entre le plan et la réalité existe un léger décalage indetectable à priori...
Le schéma normal c’est : je monte dans la cellule, je mesure, je descends, je trace, je coupe, je remonte, j’installe, je passe au suivant. OK.

Dans la vraie vie, c’est : je monte, je cherche le mètre, je descends, je cherche le mètre, je fouille, je cherche le mètre, je remonte, je trouve le mètre qui se planquait derrière la perceuse, je mesure, je me prends le pied dans le fil de la perceuse, je m’affale, je frotte là où ça fait très mal et je serre les dents pour ne pas être trop grossier, je cherche le mètre qui m’a échappé, je ramasse le mètre qui était allé se planquer sous la cellule et je me prends la tronche dans la fenêtre entrouverte en me relevant, etc…
Ceux qui ont déjà vu ce film ne rient pas, ils savent la grande détresse qui peut vous envahir dans ces moments.
Les autres sont sans cœur…

Il faut donc prendre l’habitude d’envoyer un sourire béat, le soir à huit heures, au couvercle de coffre que tu as passé la journée à fignoler…

Vient ensuite le doublage des parois intérieures et du toit, et là, je découvre les joies du shampoing au Bostik, très classe, effet mouillant garanti, et pour la tenue du cheveux je te dis pas…

Le doublage ! Bien!
Où tu te retrouves à découper des pièces de 0.6 mm par 3 cm, des trucs que personne ne verra jamais mais que tu ne peux pas t’empêcher de poser parce que, parce que… oui tiens au fait ; pourquoi ? Ben parce que t’es un gros maniaque, et que l’important c’est pas qu’on la voit, ta pièce de nain, mais que tu saches qu’elle est là, parce que c’est quand même toi qui resteras ensuite des heures, un soir, au soleil couchant, bien calé au fond d’un magnifique pré perdu, affalé sur la banquette à regarder dans le vide, à la limite de l’érection, quand tout sera fini, avec ta tortue faite à la main, la langue demi sortie, l’air abruti, à te remémorer, tout ému, la pose de ce minuscule morceau invisible qui te crève les yeux…

Il est maintenant temps de causer des joyeusetés inhérentes à ce genre de projet qui se plie dans tous les sens, hyper serré, au poil près : les recouvrements. Ah !!! Le néon que tu viens de poser et qui vient frotter sur la table lorsque tu rabats le panneau ! Cool, les boules de King Kong lorsqu’il faut le déplacer de cinq centimètres et passer une heure à poser une plaque qui cachera les trous de la fixation précédente.
Et le blocage du panneau basculant que tu as bien chiadé, et qu’il faut ensuite déplacer par là, à cause de la cloison qui se plie sur le truc qui bascule, et ensuite une autre fois, mais plutôt par là, parce qu’il gêne le passage du câble qui te sert à débloquer un panneau sans devoir ramper comme une larve dans la cellule pliée.
Pour les connaisseurs, c’est du même genre que le tiroir que tu as passé des heures à fignoler et qui ne ferme plus lorsque tu viens de terminer la pose de la prise extérieur 220 V, juste trois millimètres trop haut !

Tu as beau savoir que ça existe, quand, à la fin de la journée, tu en es au même point qu’au début avec juste un truc foireux en moins, tu as tendance à forcer sur l’apéro pour éviter de te botter le cul d’avoir entrepris un truc aussi ouf…

Dans la série les trucs drôles qui te font monter la tension au delà des normes acceptées par la médecine pourtant moderne et tolérante ; il y a la fin du doublage du toit.
Comme expliqué précédemment, toute occasion est bonne pour se faire le petit plaisir de la montée/descente du toit, c'est trop bon comme ça marche trop bien.
Donc la fin du doublage du toit est une nouvelle occasion de se pommader l'égo. Petite pression sur le petit bouton et ... le sourire disparaît : beuuuuk fait le vérin !
Ce qu'on peut traduire facilement par : tu m'as rajouté du poids sur la tronche, et là, tu peux te soulever ton toit à la main si tu veux, mais moi je t'annonce que j'irai pas plus loin !
La méchanceté de ce truc !!!
- Boah, j'ai ajouté quoi ? Allez, dix kilos !
- M'en fout, j'peux pas !

Et borné le bestiau : descend/remonte tant que tu veux : beuuuuk et pas plus !
Alors ?
Alors quoi ? Je prends la clé de 13, je sors ce tocard et je lui fait sa fête à grands coups de perceuse ?
C'est pas l'envie qui me manque, mais je suis lâche, et j'accède à sa demande en lui adjoignant un nouveau vérin à gaz, légèrement plus costaud.
Brêêêêêêt ronronne mon petit vérin en soulevant mon petit toit : je l'aime ...

Notre belle histoire d’amour ne durera pas longtemps : le nouveau vérin déclare forfait au bout de deux jours, sa race… Il a évidemment attendu d’être bien peint en trois couches, sa puissance est désormais illisible ce qui ne va pas faciliter le choses pour le remplacer… sa race maudite…

Et vu le tarif auquel le propose son fabriquant et vu que je n'apprécie que modérément de me faire dilater le fondement, la solution viendra d'un vérin de hayon de voiture greffé en complément du premier et faiblard vérin.

Autre source de bonheur, les blocages des panneaux latéraux.
Ce derniers, articulés horizontalement, se comportent comme des vasistas et j’ai donc installé des loqueteaux de vasistas, c’est comme ça que ça s’appelle j’y peux rien, un devant un derrière, sur chaque panneau.

Gros travail d’ajustage puisqu’ils verrouillent dans le plafond, trouver les renforts du plafond pour fixer le petit truc solide qui va les recevoir, fixer solidement, tester, et… s’apercevoir que ces ballots de renfort, et donc les loqueteaux qui s'y agripent, se trouvent très exactement à l’aplomb des réglettes lumineuses que j’avais amoureusement fixées, avec les fils qui sortent de la cloison pile derrière pour ne pas faire épaisseur et tout ce tas de précautions et pinaillages qui débouchent quasiment toujours, je sais pas si chez vous c’est pareil, sur une radicale modification une fois que tout est fignolé.

C’est une loi naturelle qui s’appelle la Loi de l’Emmerdement Maximal.
Exemple ? Tu passes des heures à découper fin fin fin un petit morceau de ferraille qui va bien le faire là où c’est prévu, tu essaies, tu ajustes, tu remets, tu modifies, tu vérifies, là, encore un peu, tu limes, tu ponces pour finir, tu nettoies, tu mets la sous couche, tu attends, tu peins, une couche, tu attends, tu peins, deux couches, tu attends que ça sèche bien, tu le fixes, tu peins les têtes de vis, deux couches, tu regardes, tu es fier, limite orgasme, tu manœuvres pour voir si ça le fait vraiment bien… et… et… ça coince !!! B. de M. tu penses très fort mais tu la fermes parce tu sais que si tu commences les injures tu vas prendre des tours tout seul et que ça va finir par un coup de masse sur cette daube.

Tu fais un effort surhumain pour te calmer, tu penses à des choses tristes et graves, tu relativises, tu vas effectuer une légère modification.
Et tu te retrouves deux heures plus tard, les mains poisseuses jusqu’aux coudes d’un mélange de limaille de fer et de peinture, plus excité qu’un ours au salon du miel, à contempler ton morceau de ferraille qui ne ressemble plus à rien, et surtout pas au truc que tu avais imaginé au départ.

Ah, j’en vois qui ont déjà vu ce film ! Ils savent qu’à cet instant tout peut basculer dans le drame, genre le petit prince qui se prend un grand coup de clef à molette par Gérard Lambert qui réparait sa mobylette…

Si j’ajoute que ce que je viens de décrire n’est que le premier épisode de la saga les loqueteaux de vasistas , on comprendra que la réalisation d’un prototype est réservée aux vrais guerriers…

Parce qu’une fois les lumières stratégiquement déplacées en camouflant tous les trous précédents, le fignoleur maudit prévoit un système de câbles et poulies pour manœuvrer les loqueteaux avant sans avoir à se vautrer chaque fois sur le lit. Le genre de truc qui te prend tranquille une matinée, le temps de trouver le passage des câbles, d’installer les poulies aux endroits stratégiques et d’aller acheter la mèche de 20 qu’il te servira une seule fois dans ta vie pour percer en biais le passage des câbles.
Lorsque tout fonctionne, tu joues évidemment sans te lasser avec les poignées qui t’ouvrent le loqueteau à tous les coups que c’est est un vrai bonheur.

Et puis arrive l’instant T.
T comme Terrible…

C’est quand tu décides de faire une petite vidéo pour monter à ta fille qui se trouve à l’autre bout du monde comme tu es un grand génie.

Caméra, on filme, tu rabats tes panneaux latéraux avec un grand sourire, tu ouvres le boitier de commande avec un air de conspirateur, tu appuies sur les boutons qui vont bien, tu prends ton air le plus intelligent pour fixer la caméra ; et tu fais une gueule mémorable quand un monstrueux craquement t’apprend que ... comment dire... tu t’es planté… c’est ça : tu t’es planté.

En l’occurrence, les parties fixes des loqueteaux se voient arrachées par les panneaux avant et arrière puisqu’ils sont sur leurs trajectoires, et avant de s’arracher ils massacrent profondément le doublage de ceux-ci, le doublage que tu avais peaufiné, chouchouté, choyé et qui pend maintenant, en lambeaux.

Grand moment de profonde solitude.
La vie de génie est parfois difficile…
Si, à cet instant précis, tu ne décides pas de te mettre à boire, tu es un héros !

Et le héros va se taper le démontage des foutus loqueteaux et de leurs réceptacles. Et le héros va réparer les parties labourées. Et le héros va modifier le système à grand renforts de cales taillées dans la masse du bois dur et finalement, le salaud, pas tellement parce qu'à la première vis un peu près du bord il va fendre lamentablement obligeant le héros à se refaire le boulot.
Parfois les héros sont fatigués...

Mais il faut reconnaître que ce genre de travail apporte aussi énormément de satisfaction. Parce qu'il me semble que les mâles, frustrés peut être de ne pouvoir donner la vie, aiment donner la forme...

Et quand la forme est exactement celle que le cerveau avait imaginé, on frôle le paradis. Fierté ? Sans doute.
Alors je suis fier de ma table qui coulisse pour faciliter l'accès à la banquette.


Je suis fier de mon trône remonté sur l'aile et dégageant le bac à douche.


Je suis fier de mon tiroir ordinateur.


De ma table d'extérieur intégrée et facilement accessible.


De mon aménagement remonté le plus haut possible pour créer un maximum de rangements dessous.


De ma paroi de douche coulissante et des petites portes mignonnes.


Reste ensuite ce qu'on appelle la finition. Terme trompeur puiqu'il provient de la racine fini, ce qui peut te faire espérer être près de la ... fin.

La fin, c'est un peu comme la retraite : quand j'avance, tu recules...

Alors tu passes une journée complète à poser les baguettes d'angles sur la carrosserie, parce que tu n'a pas fait des angles à 90° et que les autres il faut se les tailler à la main.
Alors tu passes plus d'une journée à trouver la bonne position des petits vérins freineurs qui vont amortir la chute de la porte-escalier qui pèse son poids parce qu'il faut quand même qu'elle se supporte d'incessantes montées-descentes tout au long de sa vie.

Voilà le genre de détail qui te fait immanquablement passer pour un cinglé, surtout quand tu as déjà passé un millier d’heures sur le chantier…
Mais cinglé, c’est pour moi un compliment...

Et il faut encore adapter le porteur à sa nouvelle carapace, coupleur de batteries, alimentation électrique, suspension renforcées par des boudins gonflables.

Du temps, du temps, encore du temps.












Mais, à la fin des fins, récompense : tu vas acheter les petits couverts, les petites assiettes, les petits verres pour l'apéro, les petites casseroles, l'ouvre boîtes, le tire bouchon, tu installes tes couettes, tes oreillers, tes petits vêtements dans les beaux placards, tu choisis les boîtes de confit de canard, de rillettes, tu trouves pile poil l'emplacement pour caler le cubi de rouge AOC, celui que tu vas sortir d'un air gourmand lorsque tu retrouveras des potes, dans le petit pré, là-bas, au bord de la Loire, sur le plateau ardéchois, au moment de ton premier bivouac.


Dans la liste des grands plaisirs il faut parler du moment inoubliable de ton premier trajet : le poids bien réparti derrière la cabine, la stabilité de l'attelage, le porteur qui balance les chevaux pour t'extraire en souplesse de l'épingle sans que la tortue n'ai montré le moindre signe de balancement.

Et et et... le premier péage !
Tu vises le passage automatique, l'oreille grande ouverte pour écouter ... rien, puisque tu passes sous la barre des 2m, et le tarif voiture qui s'affiche et que tu paies avec un début d'érection tellement c'est bon de ne plus se faire racketter...

Et le premier matin frileux, que tu te lèves vite vite pour appuyer sur le petit bouton et repars te coucher sous la couette à écouter le chauffage qui te balance du bon air bien chaud qu'en moins de deux minutes tu souris béatement, tu repousses la couette, et tu restes là, à poil sur ton lit, à savourer la bonne chaleur diffusée par le truc que tu as passé des heures à installer...

Et ta première douche, encore étonné de tant de confort, que tu joues avec le thermostat et la douchette, qui te couvre de la douce chaleur du devoir accompli et du rêve réalisé.

Parce que l'ultime plaisir est là. Le rêve à pris forme, l'idée fumeuse est devenue objet tangible.

Les femmes accouchent, les hommes créent.
Je ne connaitrai jamais le plaisir des premières, mais je sais désormais celui des seconds.


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